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Les différents chapitres

Les anches



LES ANCHES
Introduction
Etymologie
D'après le dictionnaire étymologique d'Albert DAUZAT (Larousse Paris), le mot "anche" apparaît à la fin du XVI ème siècle chez RONSARD. Il signifie d'abord tuyau puis "embouchure à vent (de la famille des bois). Il provient du germanique ankja (ancien haut allemand ancha) "jambe" et "tuyau" (cf. tibia, devenu "flûte" en latin).
Le mot paraît s'être introduit en français par les dialectes de l'ouest où anche signifie encore "conduit".
Il y a deux grandes familles d'anches :
  • Les anches simples.
  • Les anches doubles.


"Languette simple ou double qui vibre par l'action de l'air et qui prête sa voix à de nombreux instruments de musique : hautbois, clarinette, basson, cor anglais, saxophone, musette,... Elle provient d'un roseau appelé "Canne de Provence" (arundo donax) qui pousse entre Nice et Marseille. Celui qui est utilisé pour fabriquer les anches de clarinette provient surtout de fréjus et aussi de Cogolin (d'après Rigotti, directeur de la maison Prestini à Cogolin). Dans sa méthode, Friedrich BEER dit déjà que le roseau de Fréjus est le meilleur qu'on puisse employer pour faire des anches.
Il y a également du roseau en provenance d'autres pays, notamment d'Espagne et d'Italie, qui est utilisé par certains fabricants. Des essais ont été effectués avec d'autres matériaux : plastique, métal, stratifié et plexiglas (notamment par Chedeville, il y a de nombreuses années). Les Japonais réalisent des imitations exceptionnelles d'aspect mais qui malheureusement n'ont pas les mêmes qualités sonores".
L'anche de la clarinette est une anche simple.
Principe de l'anche simple
La fonction de cette languette de métal, de plastique ou de roseau (généralement en roseau pour la clarinette) est de briser en battements réguliers un courant d'air qui, sans cet intermédiaire, s'échapperait en un souffle continu.
Il y a deux sortes d'anches simples :
  • L'anche simple libre qui vibre dans une ouverture sans en toucher les bords (par exemple l'orgue).
  • L'anche simple battante (utilisée pour la clarinette) qui engendre les vibrations de l'air par ses battements contre le cadre d'une espèce de rigole (les bords du bec) à laquelle elle est adaptée.
Les origines de l'anche simple libre remontent à des temps immémoriaux en Chine.
En Europe, ce fut KRATZENSTEIN, facteur établi à St-Pétersbourg qui, dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, eut le premier l'idée de l'adopter à la construction des orgues. L'anche libre est toujours en métal.
L'anche libre battante est toujours associée à un tuyau. Sa flexibilité est telle qu'elle est forcée de vibrer en fonction des différentes longueurs de la colonne d'air. L'anche taillée dans le tube même de l'instrument est une application de même principe.
Pour faire varier la longueur de la colonne d'air, il suffit d'obturer ou d'ouvrir les orifices pratiqués dans la paroi du tube. Dans ce cas, la hauteur du son fondamental est déterminé par la longueur du tuyau, depuis l'embouchure jusqu'à la première ouverture.
Taille de l'anche
Le côté opposé au biseau doit être rigoureusement plat. L'amincissement ne s'opère pas également sur toute la surface du biseau, il est plus prononcé sur les côtés : le milieu doit former, en quelque sorte, un dos d'âne (ressort de l'anche). Ce n'est qu'à environ deux millimètres de son extrémité supérieure que l'anche devient également mince sur toute sa largeur.
Acoustique
La clarinette possède une anche simple battante. Sous l'action du souffle de l'exécurtant se crée un courant d'air qui repousse l'anche. Celle-ci comprime l'air contenu dans le bec, lequel, par réaction, repousse l'anche qui, grâce à sa flexibilité, exécute un mouvement vibratoire.
cette vibration se synchronise selon les différentes longueurs du tube déterminées par les doigts de l'instrumentiste qui libère ou obture les trous latéraux de la clarinette. Ainsi se forment les différents sons.
Le son propre de l'anche ets plus grave que le son émis par le tuyau, par conséquent, le tuyau joint à l'anche doit être d'autant plus court que le son propre de l'anche est grave.
Ce qui revient à dire qu'il faut prendre des anches assez minces (théoriquement, plus l'anche est mince, plusil y a de battements et plus l'anche est haute).
Cependant, si elle est trop mince, elle ne résiste pas et descend, le son devient criard, claironnant et trop nasillard. Il faut donc rechercher une anche de force moyenne qui a un bon équilibre.






Fabrication de l'anche
La fabrication artisanale
Dans sa méthode qui date de 1825, Yvan MULLER donne quelques conseils pour la fabrication, à la main, des anches.
Après avoir donné au roseau la grandeur et la forme de la table du bec tout en conservant dans toute la longueur de l'anche, l'épaisseur nécessaire au dos d'âne, vous la mettez sur une lime bien large et surtout bien plane, et vous la limez jusqu'à ce que la table soit bien droite. Ensuite, vous la posez sur le bec, vous la présentez contre le jour et vous regardez de côté si l'ouverture entre l'anche et le bec est convenable.
Cette ouverture doit aller du bout du bec jusqu'à la première vis de l'anneau avec lequel l'anche est serrée sur le bec, on commence alors à tailler avec un canif bien tranchant à partir de quelques millimètres de cette première vis, en ayant soin de laisser à cet endroit assez de bois.
Si elle est encore trop forte, on l'évide jusqu'au bout en lui donnant toujours de moins en moins d'épaisseur au milieu. Si l'anche reste encore trop forte et si le bout est assez épais, on l'amincit toujours en passant la lime sur les deux côtés de l'anche. Si au contraire, le bout est assez mince, vous devez limer plus près du talon, vers la première vis, mais avec précaution, car si on ôte trop de bois en cet endroit, il en résultera un son "canard" insupportable. Sur l'extrême bout de l'anche et en descendant vers le talon, on peut passer la lime à plat et limer sur toute la largeur, de manière à rendre l'anche pour ainsi dire transparente.
Il arrive souvent qu'une anche, même si elle a été bien faite avec le plus grand soin, ne paraisse pas s'améliorer, on peut alors se livrer à une série de contrôles. Il fauit d'abord vérifier si l'anche n'est pas trop ouverte ou trop fermée. dans le premier cas, il suffit de resserrer un peu la vis du haut en desserrant celle du bas. Dans le second cas, faire l'inverse. Si l'anche est trop forte, on la descend un peu, si l'anche est trop faible, on la remonte un peu.
Dans son rapport sur l'Exposition Universelle de Paris en 1867, FETIS dit encore:
"La plupart des clarinettistes ont les outils nécessaires pour fabriquer les anches. Il en est qui ont acquis beaucoup de dextérité dans ce travail, mais ils n'ont pas comme les facteurs, les relations nécessaires pour se procurer le roseau de meilleure qualité".
Afin de procurer aux artistes des anches dans de bonnes conditions, une industrie spéciale de la fabrication s'est créée.
Deux procédés sont employés dans cette fabrication: le plus expéditif est celui d'une mécanique qui fait le plus grand travail, les anches faites par ce procédé sont ensuite terminées par les soins de l'ouvrier. L'autre mode de fabrication est plus lent et exige plus de travail, car l'anche est dégrossie et finie à la main. L'anche fabriquée mécaniquement coûte moins cher (environ le tiers du prix des anches faites à la main). Celles-ci sont préférées par les artistes lorsqu'elles ont été confectionnées par des mains habiles. MASSABO de paris, est particulièrement renommé pour la qualité des anches fabriquées de cette manière.
KROLL de paris, qui fabrique les anches mécaniquement, a exposé des anches de qualité pour clarinettes, hautbois et bassons (FETIS, rapport E.U. 1867).
En son temps, Adolphe Sax avait, lui aussi, donné quelques conseils sur la façon de terminer les anches aux musiciens qui jouaient de son nouvel instrument, le saxophone.
De son côté, Henri SELMER, soliste à l'Orchestre de l'Opéra de Paris, a fondé sa manufacture en 1885. La généralisation de l'emploi du roseau d'origine provençale semble être due à Eugène VANDOREN, clarinettiste de la Musique de la Guarde qui s'est procuré un bon nombre de cannes lors d'un voyage à Hyères et à Cogolin avant de rentrer à Paris. Très habile dans la confection des anches, il fut sollicité par ses collègues et amis pour faire leurs anches. VANDOREN fonda sa manufacture en 1905.
En Belgique, force nous est de constater qu'il n'y avait aucun fabricant d'anches (actuellement, on vend à Gand des anches dont la marque est Gandhuis et qui semblent être de fabrication belge).
En Italie, par contre, PRESTINI de Florence, hautboïste de grand renom fonda sa maison vers 1880. Celle-ci fut transférée en 1945 dans le nord de l'Italie à Trente (en plein coeur des Dolomites).
vers les années 1970, un de ses descendants établit une usine à la frontière mexico-américaine. Tandis qu'en 1965, la maison PRESTINI s'installait également à Cogolin dans le Var, là justement où se trouve la matière première. La direction a été confiée à MrRIGOTTI.
Nous avons encore en France, les Maisons CHEDEVILLEDERU,... qui ont été reprises par la Maison GLOTIN, fondée en 1935 par Albert GLOTIN, hautboïste également.
Les principales phases de la fabrication de l'anche
La fabrication de l'anche est une opération difficile et qui demande une grande précision.
Après avoir stocké, trié et coupé les parties de la canne (qui serviront pour faire les anches) à la longueur nécessaire, la fabrication proprement dite s'effectue en suivant les phases suivantes:
  1. Fléchage, fente du roseau en quatre parties.
  2. Mise à longueur (sciage).
  3. Filière.
  4. Redressage (à l'aide d'une tableuse au diamant).
  5. Surfaçage.
  6. Polissage.
  7. Fraisage.
  8. Fabrication (dite aussi profilage).
  9. Biseautage.
10.  Mise à longueur définitive (coupe du bourrelet).
11.  Sélection des forces, calibrage.
12.  Contrôle et essais.
13.  Marquage et mise en boîte.
A noter que l'ordre de certaines opérations peut être interverties suivant le facteur d'anches.

Confection des anches
Remarques:
  • La qualité du roseau:
    Le roseau ne doit pas pousser trop vite (sinon le bois est trop mou).
  • La qualité de l'écorce:
    Si on casse le roseau, la cassure peut être nette, mais l'écorce ne peut pas casser, elle doit "filer".




Coupe de l'anche
Les deux sortes de coupe
  • La coupe française:
Le bout de l'anche est très mince (le bout de certaines anches n'a que sept à huit centièmes de millimètre d'épaisseur). Le dos d'âne reste très épais. Si elle est bien équilibrée, elle donne un son pur, ample, souple, moelleux et timbré. Son aigu et son suraigu sont assez aisés. Tout en étant bien tenue, cette anche est d'une bonne flexibilité. Elle est très difficile à fabriquer, car le moindre déséquilibre entre la taille de son côté gauche et de son côté droit risque de la faire siffler.
  • La coupe dite américaine:
Le bout de l'anche est plus épais, il a parfois jusqu'à quinze centièmes de millimètre et le dos d'âne est plus fin. Cette anche est très utilisée en jazz et permet aux débutants de jouer plus facilement, mais elle a comme inconvénient majeur de ne produire les sons aigus qu'à grand peine, elle aura aussi tendance à sonner comme du "zinc".
La qualité de l'anche
Pour fabriquer de bonnes anches, le roseau de qualité est difficile à trouver. dans le rapport du jury international de l'Exposition Universelle de Paris en 1867, Fétis dit déjà: "Les anches de hautbois, de clarinettes et de bassons sont, à l'époque actuelle, inférieures à ce qu'elles furent autrefois, bien qu'elles soient mieux faites au moyen de nouveaux procédés mécaniques. Cette infériorité est préjudiciable au talent des artistes, elle provient de la qualité du roseau, souvent médiocre, parce que la grande consommation qui en est faite dans les deux mondes oblige à le couper avant qu'il ait atteint l'âge d'une complète matirité".
De nombreux essais ont été réalisés avec d'autres matières que le roseau. Néanmoins, il paraît indéniable que l'anche végétale, l'anche en roseau, est la meilleure. Cette qualitésupérieure est liée sans doute à la structure organique vivante de cette substance.
La qualité de l'anche dépend donc, dès lors, de la maturité du roseau, de sa dureté, de l'égalité et de la finesse des fibres (constitution du roseau), du séchage et de la coupe (en particulier de la finesse de l'extrémité). Malgré le soin apporté par les fabricants, toutes les anches (taillées dans une même canne) seront différentes à cause de la structure même du roseau.
La qualité du matériau de base
  1. La qualité des anches:
Le roseau est une matière vivante constituée par un grand nombre de fibres longitudinales et très fines avec, entre celles-ci, en quelque sorte, de minuscules canaux d'irrigation. M.HEINRICH nous donne des précisions sur ces questions. Taillées dans le sens de la longueur de la tige, l'anche végétale est très flexible surtout dans le sens de la longueur. L'anche en plastique n'imite pas suffisamment les propriétés élastiques du roseau qui sont très particulières et l'anche métallique ne vibre d'une façon valable que pour une seule fréquence.
  1. Le roseau mou:
Il "prend mal le fer" qui le sculpte à la fabrication. L'anche devra être d'autant plus épaisse à l'arrière que le roseau est mou. Si on ne respecte pas cette règle, l'anche ne revient pas dans sa position de repos et a tendance à "coller" au bec.
  1. Le roseau dur:
Il "prend bien le fer" à la coupe. Grâce à la résistance qui résulte de sa texture naturelle, il permet de tailler une anche plus mince et plus solide qui se révèlera moins fatigante pour le clarinettiste et qui donnera un son bien timbré.
  1. Les parties de l'anche:
    La figure montre la terminologie utilisée pour les anches:
  • Les fibres de compression: Tendent mollement à ramener l'anche à sa position initiale.
  • Les fibres de tension: Fibres taillées en biseau qui constituent le ressort. Elles tendent à ramener l'anche à sa position rectiligne.
  • Les fibres neutres: Entre les fibres de tension et les fibres de compression dans l'axe de l'épaisseur de l'anche, se trouvent les fibres neutres, appelées ainsi puisqu'elles ne fournissent aucun travail.
Formation de l'anche
Ce sont les alternances d'humidité et de sécheresse qui assouplissent et forment les anches... et hélas! les épuisent assez rapidement:
  • L'humidité détend les fibres du roseau.
  • La déssication les retend et leur rend leur élasticité.
L'anche est une préoccupation constante pour les clarinettistes.
Le choix
Choisir une anche est tout un art, car il faut tenir compte des éléments suivants:
  • Elle doit convenir à l'individu.
  • Elle doit s'adapter facilement au bec.
  • Elle doit être choisie en fonction de la partie de clarinette à exécuter, de l'oeuvre dans son ensemble et de l'acoustique de la salle où l'oeuvre sera interprétée.
Il ne faut jamais jouer:
  • Avec une anche faible qui rend l'aigu trop bas.
  • Avec une anche forte, meilleure pour l'aigu, mais qui durcit le grave.
Retouche de l'anche
Quels sont les défauts que peut présenter une anche, auxquels le clarinettiste sera amené à remédier ?
Quelques cas types de retouche (Lefèvre, Goffin, Op.cit.)
ConstatationOrigineCorrectionRésultatRemarques
Le son est dur.Le battant est trop épais.Il faut diminuer l'épaisseur du battant en frottant avec du papier de verre très fin la face antérieure de celui-ci.Le son s'affine en même temps que le battant.Procéder par étapes.
Le son perd de son brillant, devient vulgaire.Le battant est trop mince.Recouper le battant (pellicule très fine).
Recommencer si nécessaire.
Le son reprendra du corps.
Il deviendra plus brillant, plus riche.
Lorsqu'on a recoupé l'anche, la zone de flexion remonte, elle aussi, d'où non concordance comme précédemment à la naissance de la courbure du bec.
Reformer l'anche, si nécessaire émincir le battant.
Le son devient sourd.La partie antérieure n'est plus rectiligne.Rétablir la rectitude afin d'éliminer les fibres de compression en relief.Le son deviendra plus clair.
Elle résiste à la pince. Les "PP" sont difficiles.L'anche est trop forte, trop épaisse au niveau de la courbure.Il faut user un peu les fibres de tension.Les nuances "PP" deviennent accessibles.Procéder avec la plus extrême prudence. Il faut un peu user toutes les fibres afin de ne pas créer une anche à fréquences préférentielles.
Elle manque de précision à l'attaque.L'anche qui résisté à l'un des côtés plus épais que l'autre.Procéder soit par transparence, soit en appuyant l'extrémité de l'anche sur l'ongle du pouce et amincir le côté trop épais.L'anche est plus homogène, les attaques seronbt plus précises.
L'anche colle. Les "FF" sont impossibles, l'aigu est trop bas.L'anche est faible.Deux possibilités:
  • Si l'anche faiblit pendant l'exécution, l'instrumentiste devra dès que possible, ouvrir l'anche délicatement;
  • Recouper l'anche.
Toutes les nuances seront possibles.
On pourra contrôler la justesse de l'aigu.
Cette coupe sera plus importante que lorsque l'anche était mince.
L'anche étant remontée, il faudra vraissemblablement diminuer un peu l'épaisseur du battant.
Quelques cas "types" de retouche

Pour affaiblir une anche sans l'abîmer: tailler comme ci-contre en faisant glisser le couteau dans le sens indiqué par les flèches.

Pour mieux faire fonctionner ou vibrer une anche

Pour faire "sonner" une anche sans l'affaiblir: user le bourrelet de la prèle de préférence.

Sifflement: Il est dû à un mauvais équilibre dans la taille de l'anche. Il suffit d'une différence d'épaisseur de l'ordre de 1/100ème de mm.

Une anche sera faible dans les aigus si elle est taillée comme ci-joint.

Elle sera bonne dans les aigus si elle est taille ainsi.

Pour amincir et équilibrer, passer l'anche côté biseauté, une fois à droite, une fois à gauche, une fois au milieu sur du papier de verre le plus fin possible. (Attention, c'est très délicat).

Redresser la table déformée en polissant la partie plane sur un marbre bien plat par exemple (mouvement tournant). Cette opération rend le son plus clair.

Repousser les fibres de compression (côté plat de l'anche), l'anche se renforce. L'opération peut se faire avec l'ongle. Ensuite repolir la table comme ci-contre ou précédemment.

Redresser la table avec du papier de verre le plus fin possible, fixé sur un marbre (par exemple). Il faut au préalable avoir repéré les défauts (bosses ou creux). Cette opération demande beaucoup de sensibilité dans les doigts.





Etude sur le roseau ou "canne de Provence"
Le texte du présent chapitre est largement inspiré de notes de D.AUBLANC, conseiller agricole, rédigées en avril 1958. Il doit aussi une partie de son information à MM. GLOTIN et RIGOTTI, fabricants d'anches.
Généralités
Le roseau ou "Arundo Donax" est une culture bien particulière au département du Var, grâce à la nature du terrain (la terre est rougeâtre), au mistral et à des micros climats qui font que le roseau vient à maturité dans cette région.
cette espèce végétale croît spontanément au bord des ruisseaux et par conséquent, il est pratiquement impossible de connaître la superficie exacte des canniers, c'est-à-dire des terrains portant le roseau.
cette particularité résulte de l'extrême dispersion des exploitations sur toute la zone côtière. A l'origine, les roseaux faisaient office de digues et servaient à maintenir les berges dans leur intégrité. Dans ce but, les premières touffes spontanées avaient été étirées tout au long des berges, sur une largeur dépassant deux mètres. En conséquence, les roseaux se rencontrent par bandes plus ou moins spontanées, souvent de petites superficies et disséminées.
Pendant longtemps, l'agriculteur, propriétaire de ces canniers ne s'est pas ou peu, intéressé à la question du roseau. Mais celui-ci se vendant bien et devant les demandes sans cesse croissantes, l'agriculteur a jugé bon de mettre en exploitation ces "roselières" et de ne plus les considérer uniquement comme agent protecteur des berges contre le ravinement, ou un agent protecteur des cultures contre le vent. On peut donc dire que l'exploitation du roseau s'est faite grâce à un jeu de circonstances et actuellement, elle peut être considérée comme l'une des richesses de la région où elle est pratiquée.
Etude technique
  1. Aire géographique
Les régions du var qui produisent le roseau sont assez nombreuses, mais elles n'intéressent pas toute la surface du département. Elles se limitent à une bande côtière dont la largeur maximum peut être évaluée à trente kilomètres.
Les principales régions productrices sont celles du Réal Collobrier, de Pierrefeu à Collobrières, les plaines de fréjus, le Muy, les Arcs (vallée de l'Argens), celles de Cogolin, Grimaud, sainte-maxime, le Lavandou, Bormes, Hyères et enfin à l'ouest de Toulon, Bandol, Six-Fours et surtout Ollioules. Bien entendu, les roseaux produits par ces différentes régions ne sont pas semblables et leur qualité varie suivant les zones de production.
Ces variations résultent de la nature des terrains et des climats locaux qui semblent jouer un rôle important en ce qui concerne la qualité du roseau. Les qualités que l'on recherche varient avec la destination. La canne à pêche par exemple, demande des bois de tous calibres, pourvu qu'ils soient résistants. Pour la musique, il faut du bois épais et dur, permettant une grande sonorité. On admet, et l'expérience l'a prouvé, que les roseaux ayant poussé au bord de mer ou dans une région à forte influence maritime, sont plus développés, ont un diamètre plus gros et surtout une grande finesse de bois, un grain serré et par là, beaucoup plus de sonorité. Par contre, les roseaux venus sous climat plus continental ont un bois à caractère spongieux, ce qui n'est pas intéressant pour la musique.
Enfin, quelles que soient les différences locales de qualité, il n'en demeure pas moins que le roseau du Var est le premier du monde pour la fabrication des anches et des cannes à pêche.
Quant au roseau à canisse, on pourrait dire que tout le Var en produit, mais ce sont les régions citées précédemment qu'il faut seules considérer, car le Haut-Var donne des produits inutilisables dans le commerce à cause des gelées.
  1. Espèce et variété cultivée
Une seule espèce et une seule variété: la canne de Provence ou "Arundo Donax" qui présente des aspects variés suivant le terrain, le climat et le mode d'exploitation.
  1. Sols appropriés
Jusqu'à maintenant, on ne peut pas dire que le roseau demande des terrains spéciaux, mais seulement qu'il existe des terrains plus ou moins propices à la culture de la canne. En général, il aime les terrains légers d'alluvions sableuses, les terres riches et fertiles. C'est dans les terrains avec sable que l'on obtient les meilleurs roseaux pour la musique car leur bois est très dur. Il est très gourmand et de plus, une canne ne se fait marchande que "les pieds au frais et la tête au soleil", suivant l'opinion même de ceux qui la cultivent.
Les pieds au frais: On a cru un temps que l'eau favorisait le développement de l'Arundo Donax. On a essayé de planter des cannes dans les bas fonds humides. Les résultats ont souvent été désastreux. Le roseau aime la fraîcheur mais non une humidité persistante qui rend par ailleurs son bois impropre à la musique ou à la pêche. Il apparaîtrait d'après des remarques d'exploitants de "canniers" que les meilleurs résultats seraient obtenus dans un terrain dont la couche de terre arable était normale sur 40 cm d'épaisseur, mais dont la couche inférieure, servie par un sous-sol quasi imperméable permettrait la présence d'une nappe phréatique.
Le roseau ne doit donc pas être dans l'eau mais avoir toujours l'eau à proximité. Dans un tel terrain, les cannes atteignent un diamètre remarquable, le bois est de texture serrée et se prête à tous les usages.
A l'appui de ces données, il a été cité une plantation de cannes faite dans la région hyèroise. Cette plantation s'est très bien développée jusqu'au jour où l'on a foré des puits. Ces forages ont eu pour conséquence d'abaisser de façon très sensible le niveau primitif de la nappe phréatique existante. Et le résultat a été la perte presque totale de la plantation. Il apparaît donc que la nappe phréatique doit être à une profondeur convenable, ni trop près, ni trop loin des rhizomes du roseau. Cette distance reste à déterminer expérimentalement.
La tête au soleil: L'influence du soleil est très marquée. Elle est indispensable lorsqu'on veut obtenir du bois pour la musique. Le roseau recherche le soleil et par conséquent, s'il se trouve en situation ombragée, il s'allongera démesurément pour trouver la lumière. Une canne peut mesurer cinq à six mètres, on cite des cannes de neuf mètres de long, qui à première vue paraissent très intéressantes mais à l'étude, on s'aperçoit que ces cannes ne sont pas sûres et que leur seule destination est la canisse. Leur texture est insuffisamment serrée. La longueur des cannes utilisées est d'environ cinq à six mètres dont seulement un mètre cinquante pour faire les anches.
Maturité: Le roseau atteint sa maturité après deux ans.
  1. La culture
Pratiquement, on ne devrait pas parler de culture du roseau car, comme nous l'avons déjà dit, il vient spontanément dans le département (certains fabricants d'anches utilisent aussi du roseau venant d'Espagne, de Grèce, de Corse et même du Mexique, mais il est de qualité moindre). Il existe peu de plantations au sens propre du mot, car jusqu'à maintenant, on a estimé que les plantations de roseaux ont toujours donné des résultats inférieurs à ceux des roselières naturelles. Si l'on veut augmenter la superficie des canniers, il faut ou bien allonger ou bien élargir ceux qui existent déjà. Pour ce faire, on peut laisser la plantation ancienne gagner sur les terrains voisins ou bien planter dans des terrains des rhizomes.
Plantation: Elle peut s'effectuer de deux façons:
  • Par rhizomes:
Ceux-ci sont placés à 50 cm de distance et de 25 à 35 cm de profondeur.
  • Par couchage de cannes:
Dans ce cas, c'est une sorte de marcottage, à chaque noeud du roseau existe une petite languette verte en forme de langue d'oiseau. Couchée en terre, cette petite languette se développe et va donner le futur rhizome. L'inconvénient de ce mode de plantation est que le développement du roseau est beaucoup plus long. A partir de la plantation, qu'il est préconisé de faire autant que possible en bordure de rivière, la récolte commence la quatrième année.
Fumure et entretien du cannier:
Le roseau a-t-il besoin de beaucoup de soins et d'une fumure importante ? Là encore, les avis sont partagés.
Certains spécialistes prétendent que, le roseau étant gourmand, il demande de nombreux soins pour donner un produit de qualité. Ils préconisent notamment une fumure copieuse et, dans les terrains manquant de fraîcheur, plusieurs arrosages. En plus de cela, des labours.
D'autres spécialistes rétorquent que les plus belles roselières sont spontanées et n'ont besoin ni d'un supplément d'engrais, ni d'eau d'arrosage. Des essais de roselières artificielles fumées, arosées, ont donnés des résultats bien inférieurs à ceux qu'offrent le "cannier" spontané. Il est très vraissemblable que la question n'est pas au point. Les essais effectués n'ont rien de scientifique.
Il y a peut-être là, étant donné l'expansion naturelle du roseau, un terrain d'étude intéressant. D'ailleurs, les exploitants de canniers qui vont effectuer de nouvelles plantations, feront sur celles-ci des essais de fumure et d'irrigation. Donc, là encore, la parole reste à l'expérimentation.
Au point de vue des soins d'entretien, ils se résument ainsi:
  • Débroussaillage:
Les ronces prolifèrent dans les roselières et sont très gênantes au moment de la récolte. Il est donc nécessaire de débroussailler et c'est l'occupation des jours creux en saison morte.
  • Eclaircissage:
L'expérience a montré que dans les canniers très larges, les roseaux du centre étaient beaucoup plus petits, étouffés par les roseaux de bordure. Le roseau a besoin d'air. En conséquence, on pratique un éclaircissage et on laisse en moyenne de sept à huit cannes au mètre carré. Ce chiffre n'a que la valeur d'une moyenne et c'est l'exploitant du cannier qui juge par expérience, s'il faut laisser moins de cannes afin que celles restantes puissent être utilisées pour la musique.
Les ennemis et les parasites:
Le roseau est parasité par une sorte de Bruche noire(*) qui ronge le bois. Apparamment, on ne voit aucune trace. Mais si on coupe la canne ou si on la refend, on constate que le bois n'est plus que poussière. Les ravages sont assez importants certaines années. Jusqu'ici, on ne traite pas contre cet insecte. On le connaît d'ailleurs très mal. Certains supposent qu'il pénètre dans la canne par le rhizome.
(*) La Bruche noire est un genre d'insecte coléoptère fort nuisible, de la famille des bruchides.
Il existe également un champignon qui se développe à la conservation des cannes entre la gaine de la feuille et le bois. C'est une poussière jaunâtre, très dangereuse pour les ouvriers qui font "l'épluchage" du roseau. Ces champignons prolifèrent sur les parties humides du corps humain (sous les aisselles, les parties, sous les seins, sous les yeux) et provoquent le durcissement des régions atteintes et des crachements de sang. Le seul remède jusqu'à maintenant parît être le lavage à l'eau vinaigrée pour les lésions superficielles.
On a remarqué que ce champignon apparaissait à la conservation les années où les hivers étaient pluvieux et où il y avait du vent. Le roseau par lui-même ne souffre pas de ce champignon, mais on est souvent obligé de brûler les cannes car les ouvriers ne peuvent pas travailler. Ce champignon est actuellement à l'étude.
La récolte:
Comme nous l'avons déjà signalé, elle commence la quatrième année de la plantation. Les cannes se coupent en hiver à l'arrêt de la végétation et la récolte s'échelonne de décembre à mars ou de janvier à avril suivant le temps.
Pour mûrir la canne, il faut de gros coups de froid sec et de vent pour faire tomber les feuilles qui doivent être séchées et la sève descendue.
Comment se pratique la récolte ?
Avant toute chose, il faut défricher le cannier car, même si cette opération a été faite en été, les ronces ont de nouveau envahi le sol. Ce débroussaillage se pratique à l'aide de serpettes usagées. Ceci fait, on passe à la coupe des cannes qui se pratique comme suit:
  • A la serpette:
Ce procédé est utilisé pour les cannes de faible diamètre et destinées à la canisse ou à la pêche. On a, à la base, une taille en sifflet.
  • Au ciseau:
Ce procédé est utilisé pour les cannes de gros diamètre et destinées à la musique. Pour les anches de clarinettes, on utilise des cannes de 24 à 28 mm de diamètre. A la base, on a une taille horizontale, ce qui évite de perdre un entre-nœud ou "canon" qui pourra être utilisé pour la fabrication des anches. Mais ce procédé exige deux ouvriers: un qui coupe et un qui tient la canne afin qu'il n'y ait pas éclatement du roseau à sa base au moment du sectionnement.
Quelles cannes faut-il couper ?
Dans un cannier suivi, il doit y avoir des cannes de deux ans et des cannes d'un an. Celles de deux ans sont destinées plus souvent à la pêche et à la musique, celles d'un an ne sont bonnes que pour les canisses. On reconnaît très facilement les cannes de deux ans, par le fait qu'elles sont ramifiées, alors que les cannes d'un an n'ont pas de branches secondaires.
Il faut noter que la canne d'un an a atteint sa hauteur et son diamètre définitifs. La deuxième année, elle ne gagne ni en hauteur, ni en diamètre, mais son bois s'épaissit et durcit. Des mesures effectuées sur cannes ont montré qu'en cours de deuxième année, le roseau pouvait légèrement perdre en diamètre. Par conséquent, tous les ans, on peut sélectionner les roseaux.
On élimine a un an toutes les cannes qui n'ont pas le diamètre requis pour la musique ou la pêche ou toutes les cannes défectueuses qui, ayant le diamètre, ne donneront pas un bois satisfaisant pour la musique. Il faut pour cette sélection, une grande expérience et une grande habitude du roseau.C'est la raison pour laquelle on peut dire que les gens qui travaillent la canne sont de véritables spécialistes qui doivent être formés.
En conclusion, on coupe:
  • Des cannes d'un an: destinées à la canisse.
  • Des cannes de deux ans: destinées à la musique ou à la pêche.
La récolte des cannes doit être annuelle, c'est-à-dire que chaque année, on doit couper sur un même cannier des cannes d'un an et des cannes de deux ans. En effet, les grosses cannes d'un an sont appelées à fournir l'année suivante de belles cannes de deux ans, et aussi elles servent en quelque sorte d'appel de sève et assurent aux canniers une vigueur plus grande. Si on récolte les cannes tous les deux ans pour n'avoir que des cannes de deux ans et que cette récolte biennale laisse le sol nu, les cannes se font trop nombreuses à cause du refoulement de la sève (pour être souterrain, le rhizome n'en est pas moins une tige qui réagit à la taille comme les autres tiges) et celles-ci restent chétives et de mauvaise tenue.
Recommandation importante:
Ne jamais couper les cannes à la nouvelle lune, car le roseau serait malade (troué par les "mithes" ou les Bruches noires). Par contre, un roseau sain peut cotoyer un roseau malade sans danger.
C'est pourquoi la récolte annuelle, plus rationnele, donne de meilleures résultats.
Les cannes coupées sont classées en paquets. Les grosses tiges (diamètre de plus de 24 mm) sont groupées par 25, les moyennes (diamètre de 16 à 24 mm) par 50, les petites (diamètre de 10 à 15 mm) par 100 de façon que le poids en vert d'un paquet n'atteigne pas 50 Kg, ceci dans le but de faciliter les différentes manutentions.
Les rendements.
Ils sont très diffiles à estimer du fait que pratiquement, on ne connaît pas la superficie des canniers exploités et que, par ailleurs, on ne pèse pas les cannes récoltées. On parle du chiffre de huit à treize kilos de roseau vert au mètre carré, mais d'après les exploitants, ce chiffre n'a qu'une valeur tout à fait relative.
La conservation:
Les paquets de roseaux sont dressés en faisceaux au bord du cannier pour y subir un commencement de dessiccation. D'autres fois, ils sont acheminés directement au centre de transformation pour y subir la même dessiccation. C'est une question de transport et de place. En aucun cas, on ne fait des tas à terre car les roseaux intérieurs pourriraient.
  • Le séchage:
Le séchage a donc lieu à l'air libre. Au bout d'un temps qui peut dépasser un an selon l'importance du stock, les cannes sont triées par catégoriés. Celles que l'on juge aptes à la musique sont mises à part.
Il y a un premier séchage des cannes (cannes entières qui sert à dorer un peu le roseau et à enlever le peu d'humidité qu'il pourrait y avoir sur l'écorce. Le premier séchage à lieu à l'air libre. Cette période s'étend sur quinze jours d'après GLOTIN. S'il est plus long, le roseau devient brun et trop dur. L'action du mistral paraît également jouer un rôle important sur le roseau.
Ensuite, les cannes sont débitées en rondins après avoir effectués un triage par grosseur, les plus gros étant destinés à la fabrication des anches du saxophone baryton, les plus petits à la fabrication des anches de clarinette piccolo. Après ce tri suit un séchage naturel très long dans de grands hangars bien aérés.
  • Les cannes d'un an et les mauvaises cannes de deux ans:
Elles sont réservées à la canisse et sont travaillées dès que possible. A l'aide d'un outil spécial, on les dépouille de leurs branches et de leurs feuilles, puis on les coupe de même longueur à l'aide de scies circulaires et enfin, une machine les refend en trois parties. Ainsi apprêtées, elles sont utilisées pour les clôtures, les plafonnages, les claies ou la fabrication des paniers destinés à l'expédition des fleurs ou des légumes.
  • Les cannes bonnes pour la pêche:
Elles sont éplumées au mois de juin. C'est une opération qui consiste à enlever la gaine qui entoure le bois du roseau et qui se pratique généralement à l'aide d'un outil spécial. Puis on supprime la partie supérieure qui ne peut servir pour la pêche et qui est brûlée si elle est trop courte ou bien envoyée à la canisse. Ainsi traitées, les cannes sont remises à sécher au soleil, triées par catégories (par diamètres différents, etc.), mises en paquets de 25, 50 ou 100. En cas d'intempérie, elles sont rentrées sous hangar. Elles sont ainsi prêtes à être expédiées à des manufactures de cannes à pêche.
  • Les cannes destinées à la musique:
Elles ont subi une première dessiccation en faisceaux puis elles sont ébranchées au cours du mois de juin. Cette opération ne se pratique pas immédiatement après la récolte car elle se ferait difficilement, le bois étant vert et on risquerait d'arracher le noeud. Elles sont ensuite débitées en longueur, en morceaux de 1,20 m à 1,80 m suivant le diamètre, à l'aide de scies mécaniques. Cette longueur est appréciée par l'ouvrier chargé de l'opération. Ces roseaux débités sont mis à nouveau à sécher en bottes et ensuite "éplumés" tube par tube, sans les marquer. Il ne faut pas qu'il y ait la moindre trace sur le vernis. Après l'éplumage, on les met au soleil en une seule couche et on les tourne d'un quart de tour chaque jour ou tous les deux jours. Lorsque la canne a subi sur toute sa surface l'action directe du soleil et pris une couleur jaunâtre particulière, elle est rentrée sous hangar et au cours de l'hiver, on la débite à la scie mécanique de noeud en noeud. On obtient ainsi les "canons" qui sont ensuite triés par diamètre et sont prêts à être expédiés vers les fabriques d'anches d'instruments à vent.
Le triage des "canons" est très important car ceux-ci doivent répondre à des normes de diamètre et d'épaisseur de bois suivant les instruments à vent auxquels les anches sont destinées. Cest ainsi que pour les anches de clarinette, le diamètre sera de 23,5 à 28 mm et l'épaisseur du bois de 3 à 3,1 mm, tandis que pour les anches de saxophone, le diamètre sera de 27 à 32 mm et l'épaisseur du bois de 3,6 à 3,7 mm. Les anches de bassons exigeant moins d'épaisseur, elles seront choisies après.
Les "canons" qui ne sont pas utilisables sont brûlés. On compte un an à un an et demi entre la récolte et l'expédition des cannes ou des "canons".
Documentation économique
L'exploitant du cannier n'est généralement pas propriétaire de la roselière. Il la loue à un agriculteur et il se charge de la récolte, de la manutention et de la transformation. Pendant longtemps, le montant de cette location était a forfait mais de plus en plus, le prix de la location est débattu chaque année entre propriétaire et exploitant et la récolte est évaluée sur pied.
Le prix:
Les cannes destinées à la pêche sont vendues en paquets de 25, 50 ou 100 après dessiccation et éplumage. Celles destinées à la canisse sont soit vendues en paquets à des usines de transformation, soit transformées sur place par l'exploitant. Celles destinées à la musique sont débitées en "canons" et ceux-ci sont vendus au poids après classement par diamètre.
Les prix pratiqués en 1958 étaient de l'ordre de 160 Fb le paquet de cannes (pour la pêche et la canisse) et de 492 Fb le kilo de "canons" (pour la musique). Ces prix sont sujets évidemment à la fluctuation chaque année et subissent l'effet de l'offre et de la demande. L'exploitant est aussi tributaire du coût de plus en plus élevé de la main d'oeuvre.
Les débouchés:
Il faut citer d'abord le marché local qui absorbe presque toute la canisse (les grosses expéditions se font sur Nice et Antibes), dans le reste du pays et même à l'étranger où il existe des usines de transformation qui fabriquent des emballages, des plafonnages et des clôtures. Ces produits fabriqués sont ensuite acheminés dans tout le reste de pays et même exportés à l'étranger.
Il y a ensuite le marché français qui absorbe une grosse partie des cannes à pêche et à musique. Elles sont souvent dirigées vers Paris et sur Tours où il y a de grosses usines de transformation de la canne pour la musique. Celles destinées à la pêche sont manufacturées un peu partout, surtout au Lavandou, Toulon et marseille pour la Provence.
Mais aujourd'hui, il semble qu'il faille se tourner davantage vers l'exportation proprement dite. C'est l'Amérique qui est notre plus gros client avec l'Allemagne, viennent ensuite la Suisse, la Tchécoslovaquie et on peut dire le monde entier y compris la Russie.
Conclusions
Le roseau est pour la région une plante précieuse et en même temps méconnue. Elle ne donne presque pas de travail, elle joue un rôle important dans la fixation des berges des rivières et dans la protection des cultures contre le vent et enfin, elle procure un supplément de ressources qui n'est pas à dédaigner.
Mais il ne faut pas oublier que le roseau est une plante spontanée de la région et qu'elle semble trouver là un sol et surtout un climat qui lui conviennent parfaitement et qui permettent d'obtenir des bois ayant toutes les qualités requises pour les fins auxquelles on la destine. Le climat surtout semble jouer un rôle prépondérant ce qui explique les différences de qualité que l'on observe entre les roseaux de la zone côtière et ceux de la zone plus continentale.
C'est donc une culture facile mais liée à certaines conditions bien particulières de milieu si l'on veut avoir la qualité nécessaire et demandée.
Il est à souhaiter que les essais entrepris par les exploitants pour la fixation de nouvelles roselières et l'amélioration des techniques de cette culture soient probants et ils erait peut-être bienvenu de les aider dans cette tâche et de disséquer avec eux les résultats obtenus. Il faudrait faire des expériences vraiment scientifiques car à l'heure actuelle, on ne peut guère parler de culture rationnelle du roseau.
N'oublions pas que la canne de Provence est la première au monde entier et que les demandes excèdent à l'heure actuelle les possibilités. Il faut encourager la production de l'Arundo Donax dans le Var, là où il peut donner des produits de qualité, faire de nouveaux essais raisonnés de plantation et surtout tirer le maximum des canniers déjà existants par des méthodes culturales appropriées qu'il reste à mettre au point et surtout ensuite à vulgariser.